Les gens sont ainsi faits, moi le premier : Fabien Barthez et Linda Evangelista feront toujours plus rêver que Pierre et Marie Curie (quoique, on n’a jamais vu Marie Curie en string, si ça se trouve…). Diastème, "Zéro Trois", mai 2002
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (ok, je sais, elle était facile, j’ai honte, mais pas trop quand même). Celui où tous les mois on trouvait chez son dealer de papier glacé une sorte d’OVNI, un magazine tel qu’on n’en a jamais vu et tel qu’on n’en reverra sans doute jamais, en tout cas en kiosque (sur le net c’est différent) : 20ans. Toute ma jeunesse. Alors, lorsque les éditions Rue Fromentin ont sorti cette anthologie, coordonnée par Marie Barbier, j’ai tout de suite eu envie de m’y plonger, par nostalgie et curiosité de comprendre le phénomène. Et comme leur attachée de presse a eu la bonne idée d’en faire un livre voyageur, je n’ai pas résisté.
Ce livre est d’ailleurs beaucoup plus qu’une anthologie : alors oui, on trouve une sélection de quelques articles, mais on trouve aussi et surtout un historique du journal, avec ses différentes périodes, des témoignages d’anciens rédacteurs et de lecteurs, et des analyses fines et pertinentes sur cet "esprit 20 ans" si particulier, celui d’un magazine pour jeunes filles qui au final ne l’était pas tant que ça, adressé aux jeunes filles.
20 ans, c’est un mythe. Les qualificatifs parfois contradictoires pour le désigner ne manquent pas : drôle, décalé, grinçant, trash, moderne, féminin sans être niais, déluré, méchant, frivole et sérieux (de par les thème abordés et la qualité des articles, beaucoup plus creusés et travaillés qu’il ne pourrait y paraître de prime abord), instructif, irrévérencieux… n’en jetez plus. Quelques titres d’articles vous donneront le ton : "Peut-on violer un mec et comment", "êtes-vous une petite vicieuse, "les beaux sont-ils de bons coups", "Mariage ou débauche, que choisir ?" ou encore "le banc d’essai des couples".
Alors, qu’est-ce que j’ai ressenti à me replonger comme ça dans mes jeunes années ? Et bien, d’abord, une vraie bouffée d’oxygène et de nostalgie : c’est vrai qu’un magazine comme ça, impossible d’en retrouver aujourd’hui. Je me suis régalée en relisant certaines chroniques qui m’on fait pouffer de rire, et j’ai adoré plonger dans les arcanes de la création, les pseudos loufoques, l’origine de l’iconographie si particulière. Et puis, peu à peu, un certain désenchantement, comme un goût amer : cela ne me ressemblait plus. En vieillissant, les gens gagnent habituellement en cynisme, perdent leurs illusions, et j’ai finalement l’impression que j’ai évolué à rebours : j’étais cynique plus jeune, désenchantée, sans doute pour de multiples raisons que ce n’est pas le lieu d’évoquer. Et en grandissant, j’ai l’impression de m’être réenchantée, d’être plus optimiste. Du coup, certaines choses m’ont parues lointaines, et j’ai ressenti un vrai décalage. Par exemple, cette adulation pour Houellebecq, que je ne comprends pas et ne comprendrai jamais. Bref, j’ai l’impression, en me plongeant dans ce recueil, d’avoir en quelque sorte exorcisé mon adolescence, et ce n’est certainement pas un mal.
Un bilan désenchanté donc, mais à cause de moi et de mon rapport à ma jeunesse. L’ouvrage, lui, est de très grande qualité, très bien documenté, intéressant, et je vous le conseille vivement, aussi bien si vous êtes des nostalgiques que si vous êtes jeunes et souhaitez découvrir le mythe ! (si vous souhaitez être inscrits sur la liste pour le recevoir, dites-le !)
Les avis de : Géraldine Dormoy, Leiloona, Well-read-Kid
20 ans, je hais les jeunes filles
Ouvrage coordonné par Marie BARBIER
Rue Fromentin, 2011
Classé dans:Elle lit... des anthologies Tagged: humour, magazine, presse